mardi 31 janvier 2012
Battler Britton
- Le MARDI, tout va mieux, n’est-ce pas ?
- Parfaitement : chaque mardi, le soleil brille, le ciel est bleu et les zoiseaux gazouillent zoyeusement. C’est même une tradition.
- Excellent ! Qui est le personnage qui a bénéficié de ce nouveau « SCAN » ?
- Battler Britton, qui d’autre ?
- Qui ?
- Un lieutenant-colonel de la RAF dont les aventures, conjuguées à celles de l’Agent Secret X13, ont hélas développé en moi un sentiment, déjà atavique, de reserve envers nos voisins d’Outre-Rhin : « Ach, la guerre, groß Malheur » !
- C’est mal. C'est très mal.
- Mais ce n’est pas ma faute. Un autre responsable arbore les traits bonhommes de Francis Blanche.
- Qu’est-ce que ce malheureux a bien pu faire pour entretenir un sentiment né des sottises propagées par les éditions « Imperia » ?
- Il joua l’Obersturmführer Schulz, celui qui prévient qu’il a les moyens de faire parler. Cela avec un ton et un accent qui restent gravés dans ma mémoire. Ah! « Kolossale Finesse » !
- En fait, c’est dans « Les Trois Lanciers du Bengale » que le personnage de Mohammed Khan signe cette réplique en menaçant : « We have ways to make men talk ».
- « Papa Schulz » n’en serait donc qu’un disciple ?
- Je le crains.
- Ah, quel malheur !
- De toutes les manières, si vous aviez lu, comme tout le monde, Le Journal de Tintin ou bien celui de Spirou, plutôt que des inepties d’illustrés, vous n’en seriez pas là et vous condamneriez, avec la dernière énergie, de telles caricatures…
lundi 30 janvier 2012
« Je déteste les LUNDIS »
- Mais, si je ne HAIS point les dimanches, je déteste les LUNDIS.
- Vraiment?
- Oui! Le dimanche, c’est simplement déprimant d'autant qu'il a une vertu qu’on ne saurait lui retirer : il n’y a rien à tenter pour sortir de sa situation. Mais le lundi : PATATRAS ! Tous les ennuis vous retombent sur le coin de la figure et il faut bien, même si le cœur n'y est plus, retourner à l'assaut et, par exemple, se manifester auprès des éditeurs qui ont complètement oubliés de vous régler toutes les couvertures qu’ils vous doivent.
- Et il y en a tant que cela ?
- Vous n’imaginez pas : une véritable épidémie ! Avec certains, cela dure depuis un an.
- Une année pleine et révolue ? J’imagine qu’il y a alors prescription et que, jamais, vous ne serez payé. D’autres soucis sans remèdes ?
- Oui. Celui des originaux en cavale.
- Et dont vous ignorez jusqu’à l’endroit où ils se cachent ?
- Vous les prêtez pour toutes sortes de bonnes raisons : expositions, salle des ventes, whatever. Et un certain nombre disparaissent mystérieusement sans que toutes les gesticulations du monde n’y puissent rien changer.
- Si ce n’est vous donner la réputation d’un fâcheux. Oh ! Encore une maison victorienne.
- Pas du tout : regardez mieux.
- Voyons… Oh, en effet: il s'agit de la demeure en plein milieu du Parc Gauthier, dans cette bonne ville de l’Isle sur la Sorgue. C’est le type avec le chapeau melon qui m’aura fourvoyée. Mais que fait-il ? Il s’entraîne sur les corneilles ? En tous cas, ce sont les feuilles mortes qui vont se ramasser à la pelle !
jeudi 26 janvier 2012
« SCAN »
- « Les tableaux sont les portes par lesquelles les auteurs vont et viennent entre leurs mondes imaginaires et la réalité » : très bonne idée.
- Surtout, fort de l’enseignement donné par toutes ces séries dont, tout d’abord réticent, je suis devenu « ADDICT », j’ai retravaillé l’intrigue.
- Laissons aux lecteurs le soin de la découvrir. Et de juger ! Cet autre « SCAN » : aucune idée de la destination de l’illustration originale ?
- Aucune. C’est un drame immense.
- Quoi donc ? Votre mémoire qui flanche ?
- Non. Le fait que l’œuvre de catalogage entrepris par Jean-Marie D* n’ait jamais abouti à une publication : il me suffirait alors d’ouvrir celle-ci pour répondre précisément à toutes vos questions.
- A ce point ?
- Lui, Jean-Marie D*, savait que j’ai commencé ma carrière avec l’illustration d’une nouvelle de Gene WOLFE : « O toi étincelle de sang ». C’était en mars 1975 dans ce Galaxie dont je parlais précédemment. Il m’a même appris que j’avais dessiné pour « Polars en séries » de Jacques Baudou, Jean-Pierre Deloux et François Guérif. Mais aussi pour le Magazine littéraire en avril 1983 et dans le cadre d’un dossier « Spécial polar ».
- Vous n’en sortez pas !
- J’ai pourtant tout essayé. Par exemple, dans « Absolu », j’ai enluminé un Pétrone écrit par Noël Simsolo. « Les classiques de l’érotisme » que ça s’appelait.
- Ceci, je suis certaine, vous vous en souvenez.
- Vous pensez ! Je devais passer sur le corps des fans du dit « CLOCLO », lesquelles assiégeait littéralement l’immeuble du boulevard Exelmans. J’ai même travaillé pour « Emmanuelle », le magazine du plaisir et dirigé par Emmanuelle Arsan.
- Mince ! Y’a pas, vous avez « tout essayé pour sortir du ROMAN NOIR / Vous avez fait de la publicité, vous avez fait dans l’érotisme ou pire encore / Et si tout a raté pour vous, si vous êtes resté dans l’NOIR & BLANC / Ce n’est pas votre faute mais celle des éditeurs qu’ont rien compris »…
« GALAXIE »
- Il y a un livre qui a beaucoup compté pour moi - révèle l’auteur en finissant de gommer toutes les petites saloperies incluses dans la gélatine des EKTAS, à croire que les bains révélateurs des labos d’alors servaient aussi de poubelles - Il s’agit de « Hier l'an 2000 » de monsieur Jacques Sadoul. Je l’avais acheté à sa sortie, en 1973 je crois, chez Gibert Jeune, Place Saint-Michel, là même où je m’étais procuré, au prix d’infinis sacrifices, les « Flash Gordon » et les « Prince Valiant », paru chez SERG.
- Jacques Sadoul qui avait co-fondé le Club du livre d'anticipation et la collection Galaxie-Bis dont vous étiez un aficionado. C’est d’ailleurs chez « Opta », dans la revue « GALAXIE », que vous avez publié vous premiers dessins.
- Exactement. Je crois qu’une illustration y était rémunérée 50 francs.
- Une somme ! Et cet épouvantable dessin, lequel doit faire frémir d’horreur vos Maîtres, Finlay et Lawrence, c’était pour quelle revue ?
- Aucune idée.
- Vous pourriez vérifier.
- Naturellement mais je manque d’ordre. D’ailleurs je déteste, que dis-je j’abomine, j’exècre toute forme d’ordre. Rien que l’idée me révulse.
- Comme les types que l’idée d’emprunter une route départementale rend malades ?
- Exactement !
- Résumons-nous - Dit-elle - Un auteur de bande dessinée a inventé une fille en papier, laquelle s’est révolté contre son auteur et a même exigé son libre-arbitre. Devenue indépendante, pire résolument incontrôlable, elle a ruiné la carrière de son créateur.
- Désespéré, ce dernier se demande comment se venger. Il apprend alors que les dessins sont les portes par lesquelles les auteurs vont et viennent entre la réalité et leur monde intérieur…
- Tout comme les miroirs sont les portes par lesquelles la MORT va et vient ?
- Voilà. Il passe son vieux trench-coat, ajuste son borsalino, embarque deux ou trois chargeurs avec son Colt 45 (bref tous les accessoires qu’il ressort ad nauseam depuis des décennies) et il passe à travers une de ses illustrations où il s’est lui-même représenté.
- Cela me rappelle quelque chose !
- Je ne vois pas ce que vous voulez dire.
- Ça me reviendra. L’auteur hante dès lors son propre univers intérieur, traquant son personnage vagabond, bien décidé à lui faire passer le goût de la liberté ! Les éditeurs doivent être enthousiastes, si ce n’est à votre script, du moins à la vue de tous les croquis que vous avez réalisé de Karyline.
- Vous pensez ! Le dernier m’a même écrit que j’étais un véritable auteur. Restait à trouver une case digne de moi, qu'il a même ajouté.
- Et vu l’envergure de vos ailes d'albatros...
« THRILLER »
L’auteur aimerait vraiment que sa vie se conjugue un peu au présent et parler, par exemple, du script qu’il vient de rédiger. Et un POLAROID (le genre de truc dont il se sert pour régler ses éclairages et trouvé sur sa table à dessin) lui semble l’occasion idéale pour briser la chaîne infernale de ses souvenirs.
Non seulement les yeux et les mains de Karin en font le modèle idéal, enfin selon les inclinations de son âme, mais ils ont cogité ensemble une histoire de petit chaperon rouge. Celle d’une jeune femme modèle qui tombe sur toutes sortes de « big bad wolf ». Le texte dit :
« Bon, moi, t’as bien compris : mon truc, c'est le nu érotique » qu’il m’a annoncé tout de GO. Ça me changeait de mes timides, ceux qui disent vouloir faire du portrait ou du nu artistique. Pour commencer. Ceux-là, les petits branleurs, ils m’intéressent pas. Je les laisse se tripoter tout seuls dans leurs coins ! Moi, je traque le gros gibier et ma clientèle, c’est presque que des vieux, la quarantaine bien tassée. A croire que plus ils avancent en âge, plus ils deviennent obsédés. A cinquante balais, c’est le bouquet, un vrai concentré de vice »…
- Mais, en réfléchissant, je me suis dit que ce personnage faisait vraiment trop dans le genre « HARD BOILED DICKS » et en supposant que ce terme puisse s’appliquer aux dames. Et si j’en faisais une fille de papier ?
- Un personnage imaginaire, voulez-vous dire ? Mais... Saperlipopette ! C’est la couverture que vous aviez réalisée pour le magazine « THRILLER ».
- Quoi ?
- Oui, cette publication où vous retrouviez toute la bande d’Aix-en-Provence : Richard D. Nolane, Claude Ecken, Paul Glaudel, Jean-Christophe Gilly et dont le rédacteur en chef était Charles M*...
- « THRILLER », vous dites ? Ca me rappelle quelque chose. Quelle année ?
- 1982.
- Je me souviens…
Où l'Auteur scanne ses souvenirs...
- Bien : je peux reprendre mon récit ? - s’impatienta l’auteur.
- Mais comment donc ! - répliqua-t-elle - Oooh !
- Hein ?
- C’est une honte : vous n'aurez décidément renoncé à aucune complaisance pour plaire.
- Dites: pour une fois que j’avais, sous la main, une modèle qui avait de la poitrine, il me fallait bien en profiter.
- Au point qu’elle sort, cette poitrine, de la case que vous lui aviez allouée! Dites : question Q.I. et si votre théorie est fondée, ce devait être un cas d’école, votre modèle !
- Que me racontez-vous encore ?
- Je parle de vos allégations, soi-disant scientifiquement prouvées, et qui vous valurent un procès du « Cercle des Amis de Russ Meyer ». Et que vous perdîtes ! Cette modèle aux formes avantageuses eût-elle beaucoup de succès ?
- Moins que je pouvais espérer : elle avait quelque chose, dans le regard, qui laissait comprendre qu’elle en avait beaucoup trop vu et trop peu oublié.
- Sur ce cadrage, cela ne se sent pas vraiment !
« TRAIT ANGLAIS »
Intrigué, l’auteur ouvrit la boite noire cerclée d’inox dans laquelle il remisait ses images de travail :
- Oui, dis-moi, Claeys : qu’est-ce que tu comptes faire de ce dessin ?
- Ha ? De cette petite nature morte, j'ai l'intention d'en faire une quatrième de couverture.
- De quel album ?
- « Magnum Song ». Pour les spécialistes, précisons qu'il s'agissait d'une tentative pour travailler à la manière de l'école dite du « TRAIT ANGLAIS »...
- Houlà ! Houlà ! Pas d'histoire de photogravure sur cette page: cela ennuiera tout le monde ! Et donc tu vends mes baisers ?
- Pardon ?
- Car c’est bien mon baiser que tu as reproduit sur cette image : je le reconnaitrais entre mille.
- Soit : et alors ?
- T’as pas honte ? D’autant que t’es une sorte de récidiviste.
- Qu’est-ce tu veux : faut bien vivre !
- D’accord, mais à quel prix ! D’ailleurs, on te paye combien pour faire ainsi la promotion d’un bourbon et d’un appareil photographique ?
- Hélas, et contrairement à d’autres formes artistiques, les illustrateurs ne reçoivent jamais rien de la part des entreprises et des marques dont ils représentent, souvent à la perfection, les emblèmes.
- Faut pas te laisser faire !
- Je sais pas car, en même temps, je me dis que le public risquerait de trouver cela un peu vénal.
- Ta ! Ta ! Ta ! Faut bien vivre, comme tu dis : alors combien ça vaut un baiser volé, quitte à paraître vénale ?
L'auteur s'empressa de refermer la boite à reproches.
Elle vient de raconter ce qu'elle a appris dans un journal de province: « Les éditeurs sont devenus des loups pour le dessinateur de bande dessinée » L'auteur, qui voit l'avenir tout en noir, ajoute : « Ça me fait peur tout ça ! » Je me souviens d'écrivains plus coriaces : « Tous les éditeurs sont des charognes ! C'est peu dire que je ne les aime pas: je les hais! Rien à faire avec eux, ce sont des commerçants. C'est tout dire. Leur devoir est de nous tondre à rien! Comment ils s'y prennent ? Vous, ingrat qui leur devez tout. Eux, qui ne vous doivent jamais rien ! »...
- Ce gars-là n'était pas simplement un agité du bocal mais, surtout, un très sale type !
- Pas du tout recommandable, j'en conviens. Bon: vous alliez me parler des arrangements apportés à ce script qui conte les aventures photographiques d'un petit chaperon-rouge qui n’a pas peur de tous les « BIG BAD WOLFS » de la création…
- J’en étais arrivé à la conclusion qu’on ne pouvait faire reposer l’histoire sur une succession de meurtres. Naturellement, que ce soit dans « L’Abominable Docteur Phibes » ou bien encore dans « Théâtre de Sang », l’idée joue sur le fait que le M.O. découle, soit des plaies qui accablèrent l'Égypte (je parle de l’Ancien testament), soit des pièces sanglantes de ce bon vieux Will. De plus, Miss Browning se la joue un peu trop « HARD BOILED DICKS », pour autant que l’expression puisse convenir à une jeune femme ! Mais, pour une fille de papier…
- Oh ! - qu’elle coupa encore - mais qu’est-ce donc? Des SCANS d’antiquités ? Laissez-moi jeter un œil… Je me souviens : vous n’avez pas attendu ces temps difficiles, et la perspective hideuse de perdre notre « AAA », pour commencer à vendre vos originaux, non pas pour mettre du beurre dans les épinards mais, plus prosaïquement pour…
- Pas un mot de plus, je vous prie. Voilà le genre de dessin qui a été parmi les premiers à déserter vos cartons à dessins et rejoindre ceux des collectionneurs.
- Vraiment ? Comme c’est bizarre ! Bien vite, vous avez aussi vendu des baisers.
- C'est même une sorte de récidiviste ! - Fit une voix étouffée...
mercredi 25 janvier 2012
« SHANGHAI EXPRESS »
- Finalement, votre travail peut être interprété comme une mise en garde envers tous les incidents ou accidents de la vie domestique.
- Exactement.
- Et votre œuvre devrait être déclarée d’intérêt public.
- On ne le soulignera jamais assez !
- Ainsi, après les dangers de la consommation concomitante de tranquillisants et de whisky, fut-il issu des meilleures barriques en chêne de certaines îles écossaises, après les risques de prendre son bain toute habillée, voici…
- Le fait scientifiquement reconnu et selon lequel il est imprudent de griller ses toasts tout en restant dans sa baignoire !
- Un dessin réalisé pour quelle occasion ?
- Oh… En tricotant en rond dans mon propre univers, j'avais réalisé une couverture, pour l'éphémère revue « SHANGHAI EXPRESS » (qui causait de romans noirs et non de Marlene Dietrich ou de Josef von Sternberg), cette variation autour du thème « COUPLES AU BORD DE LA CRISE DE NERFS ». Las de trop apparaître, l'auteur n'est plus qu'un reflet effrayé dans ce toaster fatal.
- Je comprends : un bête accident domestique. C’était pour une campagne d’information sur les risques de ce cocktail aventureux : barbituriques mêlés à des alcools forts ?
- Pas du tout : une couverture de roman. Un projet refusé, je crois me souvenir.
- La mouche était sans doute de trop !... Mais me voilà en Ophélie :
« Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
On entend dans les bois lointains des hallalis ».
Comme je joue bien les yeux révulsés. Tiens, j’aurais du faire comme celle qui devint l’épouse de ce fada de Dante Gabriel Rossetti.
- Quelle est cette nouvelle invention ?
- Elisabeth Siddal - dite Lizzie - travaillait comme apprentie chez un modiste. Activité si peu rémunératrice qu’elle fut contrainte de servir de modèle pour la célèbre Ophélie de John Everett Millais. Ce dernier l’avait fait s’allonger toute habillée dans une baignoire dont l’eau était chauffée par des bougies posées en dessous. Ce qui n’empêcha pas Lizzie de chopper une bonne pneumonie. Entre deux quintes de toux déchirantes, elle réussit cependant à se plaindre auprès du Syndicat des Modèles, lequel venait d’être crée. Ce dernier menaça de poursuivre le peintre qui dut se résoudre à régler les honoraires du médecin et à lui verser mensuellement une rente confortable...
- Crétins de préraphaélites ! N’importe quel peintre ayant deux sous de cervelle veille à ne jamais employer des modèles faibles des bronches, à moins d’envisager un portrait de Marguerite Gautier!
- Ouf ! Je suis rassuré.
- Je me demande bien à quel sujet ?
- Ma mémoire, pardi ! Le dipsomane qui erre dans la banlieue déshéritée de Sorgues…
- Pléonasme.
- Soit ! Le gars avec des lunettes de soleil et qui se balade nocturnement dans les environs de Sorgues avec un LP des quatre types de Liverpool dans une main et une canette de « Kronenbourg » dans l’autre…
- La deuxième devant lui faire oublier les « I want to hold your hand,
I want to hold your hand, I want to hold your hand... » !
- Vous inventez. Bref, cette illustration était bien pour le cinquième Festival du « POLAR » de cette cité ouvrière: j’ai vérifié…
- Et, sans scrupules, vous l’avez donc revendue pour « L'Adieu aux Anges », ce roman de votre ami Frédéric H. Fajardie paru dans la collection « La Petite vermillon », et comme il a fallu encore vous le rappeler.
- En fait, je la découvre avec vous, cette couverture. Je ne l’ai pas dans mes archives. Il s’agit de l’époque où j’ai perdu le contrôle de ma carrière et où les maquettistes revisitaient mes dessins sans vraiment me demander mon opinion.
- Comme chez Gallimuche ?
- Voilà.
- Mais vous encaissiez les chèques.
- Que voulez-vous : faut bien vivre.
- Et pour cela, il faut bien que d'autres meurent. Ainsi voilà une malheureuse pour laquelle l’aspirine ne sera en fait d’aucun secours...
- Ce n'est pas de l'aspirine.
- Quoi d'autre ?
- Des tranquillisants.
- Mêlés avec de l'alcool, ça ne fait jamais bon ménage.
- C'était justement l'histoire !
- Savez-vous ce qui est le plus ennuyeux lorsque l’on est dessinateur ?
- Je sais pas : la solitude ?
- Connais pas.
- Tout de même, passer sa vie tout seul et dans le noir, pour ainsi dire enchaîné derrière sa planche à faire des images, c’est pas une existence !
- Quelle idée extravagante! Non, le drame, c’est de ne pas avoir de bande-son.
- A moins de recourir à des subterfuges grossiers comme celui de représenter des pochettes de disques ?
- Exactement ! Encore que le qualificatif est un peu fort. Bref, ç’aurait été chouette d’entendre à ce moment-là…
mardi 24 janvier 2012
« HARD DAY’S NIGHT »
- Ah, décidément ! Vous faites tout, et de manière délibérée, pour que cette nouvelle année s’ouvre sous les plus sombres auspices, Cassandre que vous êtes !
- Il s’agit d’une assez vieille chose : un dessin que j’avais réalisé pour le Festival du POLAR de Sorgues.
- J’imagine que ce sont les environs enchanteurs de l’endroit qui vous ont inspiré cette désespérante composition. Et, surtout, que le lecteur n'y voit aucun hommage aux gars de Liverpool : vous n’avez jamais aimé les « Beatles ». C'est même, j'imagine, un sujet supplémentaire de contrariété pour votre personnage !
- Vous en rajoutez encore : en fait, le titre de l’album sous-entendait celui de l’illustration: « HARD DAY’S NIGHT ». D'autant que vous me connaissez, je ne me suis jamais engagé dans quoi que ce soit et encore moins dans la grande querelle de l’époque : « Beatles » VS « Rolling Stones ». Je préférais des morceaux comme « Time Has Come Today » ou des groupes comme « Curved Air », des trucs qui passaient au Pop-Club de José Arthur. Au fait, vous ai-je déjà dit que j'y avais été invité ?
- Au Pop-Club de José Arthur, vraiment ? Racontez vite...
- Je ne me rappelle plus s’il était diffusé à 22 ou 23 heures. Ce qui est certain, c’était que « Vingt-quatre heures sur vingt-quatre / La vie serait bien dure / Si l'on n'avait pas le Pop Club / Avec José Artur ». L’émission avait lieu depuis le « BAR NOIR » de la maison de Radio France. « BAR NOIR » dont je ne garde qu'un souvenir confus. Mais j'y avais été avec Mulatier, Ricor, Morchoisne et Lucques et, sans me vanter, j’avais été particulièrement lamentable, bafouillant car c’était ma première interview.
- Vous bafouillez toujours : la vie de reclus prépare mal aux feux des projecteurs !
UN PLAN SIMPLE ( A Simple Plan )
Un jour, alors qu’il se donnait tout seul du plaisir sur la place publique et qu’on le lui reprochait, Diogène s’écria : « Plût au ciel qu’il suffît aussi de se frotter le ventre pour ne plus avoir faim ! »
Bon, avant d'en arriver à de tels égarements du comportement, l’auteur se dit qu’il valait mieux retourner au charbon! Et même si, à en entendre les échos qui venaient jusqu’à cette page, la croyance en une année à venir, genre mirifique et faste, semblait teintée de scepticisme.
Pour les différents acteurs du crime, l'exercice de ce dernier empruntait parfois des voies aussi glissantes que celles de contrées envahies par la neige. « Quand on pense qu’il y en a certains qui payent des fortunes pour se geler les fesses dans des bleds pareils ! - songea Raven - Moi, on me rémunère pour y aller mais ça m’empêche pas de penser que le ski, quelle connerie !... Qu’est-ce t’en penses ? » Qu’il demanda poliment à son contrat.
Foreign Correspondent
- Vous reprenez une idée ancienne, celle de cette modèle qui se réfugie derrière une chambre photographique.
- Une couverture pour un « Hichcock démasque ». Il s'agit d'une situation qui m'était venue en me rappelant de cet ancien film d'Hitchcock "Foreign Correspondent" et d'une des premières scènes où se déroule cet assassinat au pied des marches, au milieu d'une nuée de parapluies, commis avec un pistolet dissimulé derrière une chambre FOLDING.
ROUGH
- Mais racontez -moi: vous aviez, ce matin, rendez-vous avec les plus hautes autorités de la Cité. Votre projet a-t-il été accepté ?... En même temps, j’imagine que c’est le cas car, à l’inverse, vous vous garderiez bien d’en toucher un mot… Montrez-moi… Tiens, vous réalisez maintenant vos ROUGHS sur un format demi-grand aigle ?
- Non: Jésus.
- Si vous voulez: chacun sa paroisse. Et cette histoire parlerait-elle, par hasard, de cinéma ?... Quoi ? Vous ne pouvez encore rien dévoiler. C’est que vous en faites bien, des mystères !... Mais vous ne m’écoutez pas : à quoi songez-vous donc ?
- Je me dis que, dans les milieux artistiques, ce n’est pas de réussir qui est difficile…
- Mais bien de durer.
- Exactement. Et, toujours, d’être angoisser par la tenue de son travail.
- Ou même hanté par le désir de faire mieux ?
- Je sais, c’est idiot.
- Mais non : c’est l’âge, tout simplement !
- Et pourquoi pas frappé par la sénilité pendant que vous y êtes ?
- Je ne voulais pas vous faire de peine mais oui : faut être gâteux pour passer autant de temps sur chaque dessin !
« Celui que Dieu veut détruire, il le rend d'abord fou »
Euripide écrivit : « Celui que Dieu veut détruire, il le rend d'abord fou ». Cette citation est en exergue du film « SHOCK CORRIDOR ».
Dans « La Meilleure Façon de Tuer son Prochain », la Fondation Harrington est devenue l’Institut Sainte Apolline et le Directeur, qui a gardé les traits de Sherlock Holmes, s’appelle dorénavant Reginald Glossop, une allusion au réducteur de tête cher à P.J. Wodehouse.
- Glossop était - je raconte - une sommité venue tout droit de l’université Miskatonic d’Arkham. Il devait moins cette nomination à ses compétences qu’à sa fréquentation de la rubrique des faits divers. Dans mon ouvrage trop méconnu « La Une dans le caniveau », je m’étais servi de ce fait divers pour camper le personnage de Herbert SUYDAM. S’il change de nom, il garde pour les séances d’électrochocs et la lobotomie frontale les mêmes complaisances.
- Vous vous fichez du monde ou quoi ? Les manières de cette nurse n’ont rien de très orthodoxes.
- Je vous explique : La scène commence dans le bureau du SHRINK…
Mlle Marcadet interrompit l'entretien de Charles avec son bon docteur.
- Le secrétaire de Commandatore Allighieri veut vous voir: son humeur est chagrine et il ne souffrira aucun atermoiement.
- Bien, Mlle Marcadet: ramenez notre ami Charles dans sa cellule et occupez-vous de lui avec délicatesse car son état me préoccupe fort …
Dans l’espérance d’une franche coopération de ma part afin de hâter le divorce de sa fille Honoria (à qui et dans une funeste inspiration je m’étais liée par le mariage), ce vieux crocodile d’Allighieri me versait régulièrement une confortable pension afin de rendre mon séjour plus doux…
- Vous voulez dire que, si vous n’aviez pas vu des films comme « KISS ME DEADLY » ou « SHOCK CORRIDOR », vous n’auriez sans doute pas exercé votre coupable commerce ?
- Exactement! Et pas seulement : je dois y ajouter « WHITE HEAT ».
- C’est vrai : je l’oubliais, celui-là: Cody Jarrett ! Un gratiné…
Parker (enfermé dans le coffre de la voiture): It's stuffy, I need some air…
Cody Jarrett: Oh, stuffy, huh? I'll give ya a little air. (BLAM! BLAM!)
- Sans parler de la fin apocalyptique : « Made it, Ma! Top of the world! » Mais revenons à « Magnum Song » dont le personnage principal commence son récit ainsi :
24 décembre 1636, minuit moins le quart.
Jonathan Folishbury, du fond de sa cellule de la Fondation Harrington, broie du noir et songe aux propos de Scrooge dans « Un Chant de Noël » :
- Joyeux Noël ? Au Diable votre joyeux Noël ! Si je pouvais agir à ma guise, tous les imbéciles qui parcourent la ville en criant « joyeux Noël », seraient mis à bouillir dans leur pudding et enterrés avec une branche de houx dans le cœur… »
- C’est horrible de dire des trucs comme ça.
- Exactement ce que lui répond son neveu, à Scrooge.
« LUNATIC ASYLUM »
- Remarquez - Poursuivit-elle - Il est logique que les SCHRINKS et les agités du bocal prolifèrent car vous avez toujours entretenu une certaine intimité avec la psychiatrie.
- C’est toujours resté très professionnel.
- Si vous voulez. Cependant, et c'est un signe, toutes vos histoires commencent ou se terminent dans un « LUNATIC ASYLUM ».
- Ça s’appelle : le « Syndrome Miss Blandish » ! J’ai lu ce livre, « Pas d'orchidées pour Miss Blandish », quand j’étais beaucoup trop jeune et il a eu, sur mon âme impressionnable, les plus funestes conséquences qui soient.
- Car depuis lors, vous êtes hanté par les mésaventures de Miss Blandish ?
- Plutôt de celles de sa fille: Carol qui apparaît dans « La chair de l’Orchidée ». Carol est le fruit des amours forcés de la riche héritière avec Slim Grisson, l’ignoble gangster sociopathe qui l'enleva. Carol hérite quant à elle de la folie meurtrière de son paternel ! Je me rappelle également d’une autre « Série Noire » lue à cette époque: « Bacchanale au cabanon » de Jonathan Latimer. Et bien sûr, il y a les réminiscences du film de Samuel Fuller: « Shock Corridor »…
- On le constate bien ici !
221 bis Baker Street
« Je le reconnais : c’est Sherlock Holmes ! » vient-elle de s’exclamer tout-à-trac, et pour ainsi dire inopinément, réduisant à rien les efforts méritoires de l’auteur pour construire son récit.
- Que me racontez-vous là ?
- Il s’agit bien de notre ami libraire de bandes dessinées, non ? C’était le premier en Avignon, il y a…
- Oublions.
- Ah, vous et votre hantise du temps qui passe ! Ce libraire servit de modèle pour toutes vos représentations du morphinomane du 221 bis Baker Street. De « Une Étude en Rouge » au « Signe des Quatre » et en passant par les anthologies de Jacques Baudou et Paul Gayot.
- Vraiment, j’en ai tant fait que ça ? M’en souvenais plus… Mais là, enfin sur la planche précédente (le lecteur ne va plus rien comprendre !), il jouait le rôle du professeur Suydham, un célèbre psychiatre adepte de thérapies douces, genre séances d’électrochocs ou lobotomies frontales.
- C’est curieux cette défiance que vous affichez envers la médecine de l’âme. Mais je me demandais : Holmes, était-ce un adepte de la morphine ou de la cocaïne ?
- Je crois qu’il ne dédaignait ni l'un, ni l'autre. A ce sujet, les trucs holmésiens, savez-vous que, dans un épisode, Gregory House présente son permis de conduire et on peut lire sur celui-ci que notre adepte de l'hydrocodone réside au 221 Baker Street Appartement B…
- Fascinant. Qui est House ?
Résumé de ce qui semblait bien être une « DEAD END » en matière de script : dans un entrepôt situé près du PIER 66, le Pape de l’Underworld invoque l’esprit des Grands Anciens. C'est à ce moment précis que l’auteur choisit de dire : « CUT » !
Page suivante ou à peu près…
Dans la nuit, un gigantesque incendie ravagea les entrepôts du Clan Mc Graw (le Pape de l’Underwold). Non loin de là, les flics tombèrent sur un type qui se baladait tout nu, perdu dans ses pensées et un Lüger à la main. « Pas de doute, nous tenons notre coupable ! » qu’ils se dirent. Réfractaire à tous les interrogatoires, même virils, on l’expédia chez les dingos où le professeur Richard D. Suydham…
- Je le reconnais : c’est Sherlock Holmes !
- Mais oublions les fautes de raccord et votre indifférence à l’égard de la géographie. Était-ce pour échapper au désespoir qui vous avait envahi après la disparition de tout un album non édité…
- Le funeste « Été Noir » !
- Voilà ! Vous vous êtes lancé dans le projet de « Lüger et Paix », une superproduction qui bafouait toute espèce de raison.
- Vous exagérez : ces planches avaient été entièrement subventionnées par la générosité de mes copains Albin et Michel.
- N’importe qui aurait placé judicieusement cet argent.
- Mais je l’ai fait, à ma manière.
- Autant écrire sur du vent…
- Comme aurait dit Douglas Sirk ! Rappelons que l’idée de « Luger et Paix » était celle d’un P08, récupéré comme trophée de guerre, sur un soldat allemand. Lequel avait été cisaillé à la mitrailleuse lourde par trois ploucs de Bâton-Rouge, cela juste après que l’armistice eut été annoncée. Le responsable était retrouvé, quelques mois plus tard, dans un bobinard de Storyville, le pantalon sur les chevilles et la cervelle sur le plafond.
- Quel manque de tenue. Le parabellum passait ensuite de mains en mains, semant la mort et la désolation derrière lui !
- Le problème vint du fait que, au bout de trois quatre FLASH-BACK, je me suis demandé comment retrouver la piste des possesseurs trépassés. J'ai alors demandé l’aide d’un scénariste expérimenté, Richard D. Nolane, et à ses talents de Script-doctor. Il eut immédiatement l’idée d’une Agence spécialisée dans le recensement d'objets étranges.
- Comme dans « Warehouse 13 » ?
- C’était bien avant ! De toute façon, cette Agence faisait dans le genre artisanal, tendance Charles Fort ! Nous voyons ici la seule et unique employée de cette étrange entreprise : Connie…
- Laquelle découpe un fait-divers bizarre, comme c'est étrange ! Mais que fait Johnny ?
- Adossé à une belle reproduction d’une œuvre de J. C. Leyendecker, entièrement dessinée à la main par moi-même, il médite.
- C’est bien son genre !
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