jeudi 25 avril 2019


Et puis le numérique s'est imposé et, malgré tout l'attachement que l'on pouvait avoir pour l'argentique, il a bien fallu abandonner un procédé révolu.
Adieu aux contrastes des pellicule Kodak Tri-X ou Ilford HP5...

Comment ai-je perdu le secret du VRAI NOIR & BLANC ?
Avec le remplacement de la pellicule argentique, je me dis parfois.
Film Ilford HP5 poussé à 1600 ASA.

Peu à peu, je n’ai plus osé de telles masses noires dans lesquelles se fond la chevelure, ni de telles ombres sur le dos.
Je trouve qu'en vieillissant on fait dans les gris, et pas seulement au sommet du chef…
Car voici un autre dessin, plus tard, au mitan des années quatre-vingt dix.
Que des nuances de gris avec des détails de partout, des FROU-FROUS, des fioritures et des décors baroqueux, tarabiscotés !...

... Une fine allusion à Brignon. « Un client, un vieux dégoûtant » qu’elle en disait Dora.
Lui en rajoutait en forçant la porte du studio de la photographe :
« Je vous demande pardon d’insister mais, à mon âge, on devient capricieux et quand ça vous tient... »
Lors du montage d'une exposition, on est rapidement confronté à diverses possibilités d’accrochage. On peut décider d’un choix thématique particulièrement fascinant comme, par exemple, « LES ESCALIERS » ou « LES ASILES DE FOUS » !
Puis, en cours de route, on se dit : « Tiens, ce serait pas mal de montrer l’évolution du style. Comme à travers la représentation des DOS !... »
Un dessin du début des années quatre-vingt, un franc noir et blanc…
- Dites, Monsieur, j'enlève les gants ?
- Non, ma chère Petite, pas les gants, jamais les gants !

- Car on ne peut pas dire que vous vous soyez embarrassé d’une thématique trop compliquée. Dans vos turlupinades, il y a essentiellement des types qui montent des escaliers pour rejoindre des jeunes dames dont les vêtements glissent à la moindre occasion le long de leurs dos !
- Ta ! Ta ! Ta ! Qui suis-je pour m’opposer à cette loi de la gravitation universelle qui impose aux tissus doux et soyeux de dégringoler des épaules ?...

- Savez-vous ce qu'enseignait monsieur Ingres ? « Les belles formes sont celles qui ont de la fermeté et de la plénitude, et pour bien les représenter, il faut modeler rond et sans détails intérieurs apparents ». J'ai toujours mis un point d'honneur à respecter ces excellents conseils !
- Mais obscurément, tout au fond de votre conscience et si vous en reste une, n'avez-vous aucun remord de tant de complaisances ?...

Paris Fripon, page 45 de l'édition originale.

- J'ai retrouvé un cliché de la vraie séance de poses.
- Fichtre, vous n’êtes pas très soigneux et cette image de travail est dans un bien triste état.
- Que voulez-vous, les souvenirs ne s’effacent pas seulement dans la tête. Les négatifs eux-mêmes subissent les outrages du temps…

- « MAGNUM SONG » comportait deux parties. Dans la seconde, « RAVEN », j’avais presque entièrement délaissé la documentation extérieure. Et je commençai à prendre comme personnages toutes les malheureuses et tous les malheureux qu'un destin funeste amenait à croiser mon chemin.
- Comme ils doivent regretter d’avoir ainsi été piégés !
- Qui sait ? La seule certitude, c’est que j’avais enfin le sentiment de maîtriser, du moins dans la mesure de mes moyens, tout le processus créatif…

- Quelle est la situation ?
- En fait, j’avais prévu d’ajouter en premier plan une chaise de producteur avec, dans la toile du dossier, quelques trous faits au Colt 45. Mais ça compliquait trop la composition et j’ai pensé que la bretelle déchirée suffirait à déchiffrer l'intrigue…
- Ah ! C’est l’Affaire Harvey W. qui vous avait inspiré ?
- C’était en 2012 et je n’ai aucun don de divination ! Non, c’est un autre producteur, « un vieux dégoûtant » comme disait Dora, qui m’avait servi de modèle : « Je vous demande pardon d’insister mais, à mon âge, on devient capricieux et quand ça vous tient » Qu’il disait, Brignon, tout suintant de sales convoitises…

- « L'esquisse vaut le tableau » disait Paul Valéry.
- Au point que souvent je me dis : « c’est dommage d’avoir encré ce croquis qui était si bien ! »

Ainsi d’un côté j’avais un chouette personnage et de l’autre on me commandait une affiche pour une édition consacrée au « POLAR NORDIQUE », sujet dont j’étais totalement ignorant. Mais j’avais entendu parler des aurores boréales, ces manifestations lumineuses qui peuplent les nuits de ces pays lointains.
J’avais, envers mes commanditaires, un autre devoir : représenter la Cité Cardinalice. « Alors pourquoi ne pas combiner tous ces éléments ? » Que je me suis dit.
- Mais quelle était la situation ?
- Chacun pouvait imaginer son histoire, par exemple qu’il s’agissait d’une justicière qui veillait dans la nuit polaire.
- Elle était pile-poil vêtue pour faire face à ces conditions climatiques rigoureuses !...

Pinceaux et encre de Chine. L'aurore boréale est la seule chose que j'ai jamais faite avec un logiciel de création graphique. Format grand aigle.

Pour assurer la réussite d’un dessin, dans quelle mesure intervient tout le travail préparatoire et, en particulier, la réalisation des images de travail ? Immensément, je dirais et en ce qui me concerne ! Ainsi j’avais fait quelques progrès dans la maitrise des clichés numériques, bien que je n’arrivais plus à obtenir les noirs et blancs tranchés dont je raffolais à l’époque ancienne du HP5 et du Tri-X.
Et puis, bien sûr, y’a l’importance de la Modèle. Même si je n’oserais comparer mon petit artisanat à cet art, le cinéma, je comprends que certains metteurs en scène travaillent toujours avec la même équipe. D’une part cela crée une atmosphère de confiance. Ensuite cet échange permet de progresser. Surtout au gars qu’est derrière l’objectif, soyons franc !...

Modèle : Karin, qui d’autre ?...

Deux ans plus tard, nous sommes en 2011, je dois réaliser l’affiche du Festival de Villeneuve lez Avignon. Il est consacré, cette année-là, au « POLAR SCANDINAVE », genre auquel je ne connaissais rien car c’était bien avant que je devienne un amateur de séries comme « Broen » ou « Trapped ».
Mais d’une manière ou d’une autre, et en réfléchissant bien, j’avais décidé de me faire plaisir. Cela peut sembler immoral mais si, en réalisant un dessin vous y prenez de la satisfaction, il y a beaucoup de chance pour que le public la ressente et aime le résultat. Je n’ai aucune preuve scientifique pour étayer cette hypothèse !
Ainsi je suis parti d’un simple personnage, jeté vite fait et sans buts sur une feuille de papier Arches...

- Mais où, sur le dessin définitif, est passé le Muséum d’Histoire Naturelle ?
- Il rendait la typographie illisible et j’ai du l’effacer. Un professionnel doit savoir faire des sacrifices !
- Finalement vous aviez raison.
- A quel sujet ?
- Quand vous écriviez que souvent les croquis sont plus intéressants que les dessins définitifs !...

L'héroïne : Karin. Le garçon apeuré : l'auteur !

mercredi 24 avril 2019


Artistes et modèles.
- Les séances photos se déroulent-elles chez vous ? »
- Oui, n'ayant aucune ambition artistique en ce domaine, il me faut même m'en garder et penser uniquement à réaliser des documents au service de la petite mise en scène imaginée, je me contente d'un fond gris et de quelques halogènes de jardin recyclés en boites à lumière.
- Ah, d’accord. Mais il y aura donc un autre homme à la séance. Qui ? » Me demanda-t-elle encore après avoir vu un croquis de la situation.
- Un autre homme durant les poses ? Mon Dieu, NON, quelle horreur ! (J’étais décontenancé et puis j'ai compris le sens de la question).
- Ah, je vois. Le couard qui se cache derrière le personnage féminin sera-t-il présent lors de la séance de pose? Bien sûr que non. J'ajoute le personnage masculin après : sur un dessin, tout est possible. C’est généralement moi-même car je suis très disponible et je ne crains pas le ridicule...




- Je me souviens. C’est Clément Marot qui, exilé à Ferrare et tout entier occupé à la traduction des psaumes, en compose un à sa manière et des plus profane : « Le blason du beau tétin ». François I et sa cour sont conquis et chacun se met illico à blasonner. Quelle horreur ! Aviez-vous complètement perdu l’esprit ?
- Je ne m’étais pas rendu compte, en ce nouveau millénaire, que ces représentations étaient autant de vestiges d’un esthétisme révolu...
- « VIEUX MONDE » dont on décrochait, par exemple à Manchester, des tableaux en expliquant : « Ces peintures présentent le corps de la femme comme une forme DÉCORATIVE et PASSIVE. Ébranlons ce fantasme de l'époque victorienne ».
- « The Times They Are A Changing », c’est bien naturel. J’ai remisé tous mes petits crobars dans un carton et j’ai pris le chemin de la Plage où, pensais-je, je serais à l’abri de tout bisbille avec quiconque…

- En plus de documents photographiques, je m’étais mis en tête mis d’exposer quelques crayonnés avec l’ambition de mieux faire comprendre le métier d’illustrateur.
- Quelle drôle d’idée ! Mais dites : à quoi étaient destiné ces petits crobars ?
- Vous souvenez-vous de ce que l’on appelait jadis les blasons ? Ils composaient la carte du Tendre d’un paysage entre tous aimable : le corps féminin. « La femme blasonnée est une créature charnelle dont le moindre détail est infiniment précieux. Les poètes y voient la forme ultime et aboutie de la beauté universelle ; ils y retrouvent les flamboiements de la nature, les nacres des nuages matinaux, les lacs irisés, la floraison des vergers et le ruissellement des prés en fleurs »...