jeudi 27 octobre 2011

« GALAXIE »


- Saperlipopette ! - S’exclama-t-elle à nouveau - Je ne me souvenais plus que vous aviez fait dans la SCIENCE-FICTION.
- Moi non plus ! Vous êtes certaine que c’est moi qui ai pondu cette image ?
- Bien sûr ! L’identité du couple ne laisse aucun doute à ce sujet !
- Ah, d’accord… Mince alors ! Je me suis dessiné des oreilles de VULCANIEN. C’est très bizarre car je n’ai jamais vraiment aimé les vulcaniens.
- Allons : soyez ouvert à la différence ! J’imagine qu’il est inutile que je vous demande pour quelle maison d’édition vous avez réalisé ce travail ?
- Aucune idée, bien sûr ! Mais, savez-vous, j’ai commencé dans ce genre.
- Par représenter des vulcaniens lubriques ?
- Ne m’accablez pas plus encore que ne le fait déjà ce dessin. Ce que j’essaye de vous dire, c’est que j’ai commencé ma carrière dans « GALAXIE » et que les œuvres de Cordwainer Smith, Poul Anderson, John Wyndham, Isaac Asimov, Michael Moorcock, Philip José Farmer ou Daniel F. Galouye n’avaient aucun secret pour moi.
- Ça, c’est un SCOOP ! Et pourquoi avez-vous finalement rejoint les cohortes du « ROMAN NOIR » ?
- M’en souviens plus.
- Remarquez, c’était peut-être préférable !

- Mister Smith, pourvoyeur éclairé en artillerie non-déclaré, représente une transition idéale pour en revenir à votre sale petit commerce personnel et à l’instrument de travail le plus utilisé pour l’accomplir : le pistolet.
- Ou le revolver, selon les écoles.
- Vous n’êtes pas ici pour faire une conférence sur les qualités et défauts des uns comparés aux autres et, par conséquent, donner de mauvais conseils. Lesquels pourraient susciter de funestes vocations !
- Saperlipopette ! Je n’y avais pas songé mais vous avez entièrement raison. Puis-je cependant préciser que ce « Tueur sous le métro-aérien de Chicago » tient un Mauser C96, le même modèle qu’acquit à Londres, en 1898, le jeune lieutenant Winston Churchill avant de partir au Soudan.
- Et ce dessin servit pour... ?
- Ah ça, je me rappelle : une belle affiche de promotion, très rare, pour les Éditions N&O.
- Le Trench-coat est fort bien dessiné : encore un « Burberry » ?
- Ah ! Cessez de me poignarder avec des saucisses chaudes: j'ai déjà assez fait de publicité pour ces ingrats sans que vous ne les citiez encore !

mardi 25 octobre 2011

« Je m’appelle Smith : un nom pratique et qu’on retient facilement ! »


- Finalement, même pas !
- Même pas, mais quoi ?
- Ce n’était pas une couverture pour les éditions N&O.
- Non ? Et pour qui, alors ?
- Aucune idée ! Ce dont je suis sûr, c’est que Jean-Pierre J* hérita d’un rôle dans « Lüger et Paix ».
- Celui d’un fourgue en artillerie non-déclarée.
- Un commerce prospère qu’il exerçait sur les quais et dans la plus grande discrétion. Le texte, écrit par Richard D. Nolane et moi-même, disait:
Old Jamaïca Embankment…
« Je m’appelle Smith : un nom pratique et qu’on retient facilement ! »
« Ça ira pour Smith. Moi c’est Wesson : deux noms qui vont très bien ensemble ! Je peux voir votre camelote. »
« Mais comment donc !... Pour commencer, un Grand Classique… »

- Vraiment ? Vous vous en rappelez ainsi ?
- Quoi donc ?
- De cette soirée dans la « gentry » avignonaise et dont vous écrivez qu’elle était, je vous cite, « emplie de curieuses turpitudes »: c'est dégueulasse !
- Résolument !
- Non, ce qui me révolte, c'est que je n’en garde aucun souvenir! Par contre, je me remémore chaque détail de la scène qui précéda, tandis que nous nous préparions…
- Je vous en prie !
- Tranquillisez-vous: tous ces secrets, je les ai chuchotés dans l’anfractuosité d’un vieil arbre, dans la forêt de cèdres qui domine Fontaine de Vaucluse.
- Et vous avez bien refermé avec de la terre ?
- Aucune indiscrétion n’est à craindre de ce côté.
- Parfait.
- C’est curieux la mémoire : comme si tout ce qui n’était pas lié à des émotions s’effaçait peu à peu… Ce qui est certain, c’est que nous rencontrâmes, au cours de la nuit qui suivit, cet amateur éclairé de JAZZ. Lequel s’était donné pour mission de promouvoir le cinéma de Russ Meyer…
- Nous lui sommes redevable de nous avoir fait découvrir Jim Hall, Ron Carter, Art Farmer…
- Steve Gadd aussi. Et puisque nous parlons cymbales et charlestons, nous fîmes la connaissance, par son entremise et dans ce restaurant qui nous tenait lieu de cantine, le Mas de Curebourg, d'un homme excessivement charmant : Daniel Humair.
- D’ailleurs le voilà.
- Daniel Humair ?
- Non, mon pauvre ami: notre MENTOR en matière de jazz, Jean-Pierre J* himself ! C’était une couverture pour qui ?
- Diable ! Me souviens plus… Par contre, notre début de soirée, juste avant de nous rendre à cette « PARTY », m’inspira à de nombreuses reprises…
- Vous allez encore me faire rougir!

« SINFONIA »


- Mais, devant tant de crimes, ne ressentez-vous jamais, tout au fond de vous, comme une gêne obscure ?
- Pas du tout: « Il faut vous avouer que, à la suite d’une mauvaise chute de cheval, j’ai perdu toute espèce de sens moral ! »… Ah ! Une manière plus originale de faire passer le goût du pain à des gens qui pouvaient se révéler trop bavards.
- Des confidences étouffées sous l’oreiller, pour ainsi dire! C’était pour cette collection dirigée par François Guérif et Stéphane Bourgoin, aux très éphémères éditions « SINFONIA ».
- Comment s’appelait ce garçon qui les avait fondées ?
- Ah ! Celui qui, d’Avignon, avait révélé au public français l’œuvre de Russ Meyer: Jean-Pierre J*.
- Voilà. Nous l’avions rencontré lors d'une soirée mondaine et qu’il animait avec une formation de jazz...
- Lui-même au poste de batteur…
- C'était un très grand admirateur de Roy Haynes dont il avait le style, je crois. Mais c'est si lointain: je me trompe peut-être...

samedi 22 octobre 2011

PSYCHOSE


- Et voici, en quelque sorte, le contre-champ de l’image précédente.
- Dont le modèle, celui pour l’assassin, était certainement le tenancier d’un certain Motel dont l’enseigne clignote sur une route désertée.
- Motel dominé par une de ces maisons de caractère et que l’on nomme « Victoriennes ».
- Voilà ! Depuis ce fameux film, les salles de bain sont devenues un lieu des plus mortifères et prendre une douche reste un exercice dont peu de jeunes femmes femmes sortent indemnes. A commencer par celle-ci, Pélagie Rosier, ex-danseuse légère (plus connue jadis sous le nom de Lola-Lola) et que l’on retrouvera coupée en morceaux dans une malle en osier!
- Cela, vous venez de l’inventer. Pour en revenir à des choses plus sérieuses, cette modèle que j’avais, pour vous, recrutée dans un magasin de chaussures…
- Un magasin de chaussures, vraiment ? Elle y travaillait comme le personnage de Fabienne, dans « Baisers Volés », et qui disait à cet affreux Doinel: « Vous dites que je suis exceptionnelle... Oui, c'est vrai... Toutes les femmes sont exceptionnelles, chacune à leur tour... »
- Pourquoi affreux ?
- Elle lui demandait ensuite : « Vous aimez la musique, Antoine? » et il répondait : « Oui monsieur! » avant de s’enfuir comme un voleur…
- Naturellement: se conduire ainsi vis-à-vis de Delphine Seyrig est assez impardonnable. Mais revenons à la triste réalité, la votre : j’avais donc recruté cette modèle et, malgré bien d’autres poses que vous aviez réalisées avec elle, elle n’eût jamais d’autres emplois que celui de « jeune femme terrorisée dans une salle de bains ».
- Un emploi à plein temps ! Ici dans « La Mort de Jim Licking » de Leo Latimer (Léo Malet), puis elle hérita d'une silhouette dans « L'Été Noir! » (appelé aussi l'Album Maudit), d'une figuration dans la nouvelle version de « La meilleure Façon de Tuer son Prochain » et enfin PSYCHOSE 2 de Robert Bloch car on ne sort jamais d'une telle malédiction!

Whitechapel


- Ah, non : vous exagérez.
- A quel sujet ?
- Sur le fait que ce soit complètement FADA de se demander quel genre de musique peut bien écouter un personnage.
- Bah ! C’est le propre de tous les FADAS.
- Quoi donc ?
- De s’imaginer qu’ils sont beaucoup moins FADAS que ce que l’on dit généralement d’eux-même ! Votre histoire, c’est un peu comme si un scénariste se demandait sous quel signe sont nés ses personnages.
- Pourquoi pas ? Il y eut bien deux sœurs jumelles nées sous le signe des gémeaux !
- Sornettes ! Et pourquoi pas nées toutes deux de père inconnu et, cela ne se verrait pas, mais quand elles seraient nues, elles auraient toutes deux au creux des reins, un grain de beauté qu'il avait sur la joue, c’est FOU !... Ta ! Ta ! Ta ! Revenons à votre carrière criminelle, c’est plus convenable. Combien de sanglants assassinats avec des couteaux ?
- Seulement cinquante quatre: je trouve ça limite barbare !
- Ma foi, dans une cuisine, au cours d’un différent à la fois conjugal et culinaire, c’est souvent le premier argument qui tombe sous la main!
- C'est humain ! Non, ce que je pointe du doigt et condamne, ce sont les sales types à tête de brute et qui se baladent nocturnement, avec un grand couteau de boucher…
- Dans le quartier de Whitechapel ?
- Par exemple.

Quel genre de musique écoutent les personnages ?


- Avant que vous ne repreniez l’énumération de vos innombrables crimes, je voudrais citer une question qui vous a été posée : « Combien d'heures de travail pour une œuvre aussi belle? ». Le qualitatif est à mon goût très exagéré mais la question est judicieuse. Et vous répondiez : « Ah ! Vous me demandez le temps que me réclame un tel dessin? Il me faut conjuguer cela à l'imparfait. A cette époque, cela me demandait une semaine de travail. Mais sérieusement : douze à quatorze heures par jour, sans week-end: j’étais une sorte de sprinter! »
- Souvent, je me dis qu'aujourd’hui, ça frise la folie furieuse le temps que je passe sur un dessin, .
- Ainsi vous avez consacré deux mois pour l'affiche de Villeneuve lez Avignon! Certes, un dessin sur un plus grand format puisque vous êtes passé d’un 32x48 à un 59x79, carrément !
- Le motif en est aussi beaucoup plus complexe : une vue imaginaire sur la Cité Cardinalice avec une perspective sur les toits qui s’étendent de la colline de Mourgue jusqu’au Fort Saint André et, en premier plan, une de ces cheminées que l’on nomme sarrasine. Mais le plus inquiétant, c'est le temps que je passe avec les modèles. Karin a du refaire, trois ou quatre fois, la pose au milieu des gargouilles, histoire de trouver les vêtements qui me conviennent parfaitement, la coiffure, les accessoires... Pire, en ce moment je travaille un autre rôle féminin pour cette histoire d'assassin modèle et je m’inquiète : j’en suis à me demander quel genre de musique ce personnage pourrait bien écouter…
- Seigneur ! Vous ne racontez pas ça à votre modèle, au moins ?
- Si, naturellement : ça peut l’aider à mieux entrer dans son rôle.
- Vous pouvez aussi lui demander de prendre quelques cours à l’« Actor’s Studio » ! Soyez un peu sérieux. A l'époque du dessin appelé « Strangler in the Night », vous aviez réalisé, avec une seule séance de travail avec Ève, qui posait elle-même pour la première fois, cinq ou six couvertures et plusieurs planches de Lüger et Paix! En voici une planche…
- Inédite.
- Le début de la Malédiction!

De l'utilité des cravate-club


Retour sur les forfaits perpétrés par l'Auteur.
- Vous pulvérisez, en somme, les records des pires serials-killers. Ainsi, vous avez fêté avant-hier votre 506 ème homicide par empoisonnement. Et combien de meurtres par strangulation ?
- Beaucoup moins : 374, à vue de nez !
- C’est une méthode qui réclame beaucoup moins d’ingéniosité que le poison.
- Totalement. Et aucune connaissance particulière, en particulier dans le domaine de la toxicologie.
- Disons que le principal avantage de la strangulation est que n’importe quel accessoire peut faire l’a blague.
- Exactement : un bout de corde ou une vieille cravate-club et le tour est joué...
- Car si attenter aux jours de son prochain par la belle science des poisons demande soin et réflexion, autant l’étranglement découle d’un moment de mauvaise humeur, d’un coup de sang…
- Ou d’une inspiration subite. C’est pourquoi les cours d’assises sont beaucoup plus clémentes envers les étrangleurs que vis-à-vis des empoisonneurs car la préméditation est très rarement retenue dans le premier cas !
- Vous êtes certain ?
- Non : je viens de l’inventer. Mais cela me parait très raisonnable !

lundi 17 octobre 2011

« SUM QUOD ERIS »


- « SUM QUOD ERIS » : vous plaisantez, certainement !
- C’est vrai, je l’avoue, je plaisante souvent. Beaucoup trop au gré de certains, cela me cause souvent tord.
- Vous convenez donc que le père Alfred, quelles que soient ses immenses qualités, n’a jamais ni démasqué, ni révélé les dessous de cette célèbre citation latine.
- Je le reconnais encore.
- Cette représentation appartient, elle aussi, au thème des « Vanités » car le crâne nous interpelle: « SUM QUOD ERIS »…
- « Vous serez ce que je suis ».
- Comme dans: « Hélas ! pauvre Yorick !… Je l’ai connu, Horatio ! C’était un garçon d’une verve infinie, d’une fantaisie exquise ; il m’a porté sur son dos mille fois. Et maintenant quelle horreur il cause à mon imagination ! Le cœur m’en lève. Ici pendaient ces lèvres que j’ai baisées, je ne sais combien de fois. Où sont vos plaisanteries maintenant ? Vos escapades ? Vos chansons ? Et ces éclairs de gaieté qui faisaient rugir la table de rires ? Quoi ! Plus un mot à présent pour vous moquer de votre propre grimace ? Plus de lèvres ?... Je t’en prie, Horatio, dis-moi une chose: crois-tu qu’Alexandre ait eu cette mine-là dans la terre ? Et cette odeur-là ?… Pouah ! (Hamlet, Prince du Danemark, jette le crâne du pauvre Yorick !)

Le PUNCTUM


- Je lis : « Le punctum est souvent un détail, quelque chose qui attire votre attention et à partir duquel vous projetez un peu de vous même dans telle ou telle photo. Il s’agit aussi du détail en peinture, celui qui vous touche et qui vous affecte. Dans le détail d’une peinture, le peintre à placé volontairement quelque chose qui éclaire l’oeuvre et lui donne une consistance nouvelle »...
- Ah, d’accord. Ainsi le PUNCTUM de ce dessin serait cet œillet jaune. Mais l’attention du lecteur n’aurait-elle pas du être attirée par le flacon de poison, plutôt ?
- Je vois ce que vous voulez dire. J’aurais du faire comme Hitchcok dans « Soupçons » où le personnage interprété par Cary Grant monte un escalier obscur, porteur d’un plateau d’où émerge l’étonnante phosphorescence d’un verre de lait. Et plus il monte, plus l’escalier s’obscurcit, jusqu’à ce que l’on finisse par ne plus voir que le lait, d’un blanc presque surnaturel. Dans leurs entretiens, François Truffaut interroge le Maître du Suspense, lequel révèle :
A. Hitchcock : J'avais fait mettre une lumière dans le verre de lait.
F. Truffaut : Un projecteur dirigé vers le lait ?
A. Hitchcock : Non, dans le verre. Parce qu'il fallait que ce fût extrêmement lumineux. Cary Grant monte l'escalier et il fallait que l'on ne regardât que ce verre. »
Mais c'est ballot: je n'y ai pas songé et j'ai déplacé le centre d'intérêt, le punctum donc, sur l'œillet.
- La fatigue, sans doute, car précisons qu'il s'agit là de votre 506 ème représentation d'un homicide par empoisonnement!

- Ah, non! C'est trop horrible!
- Quoi donc ?
- Passent l'amanite ou la cigüe, mais vous ne pouvez empoisonner cette malheureuse avec un méchant cassoulet bas de gamme, acheté dans quelque hideuse grande surface! Une femme du monde ne survivrait pas à une telle entorse au bon goût!
- C'est une évidence. Mais on ne peut demander à des kidnappeurs d'être ouverts à l'esthétique. Ce dessin me valut cette intéressante réflexion:
« Cher Jean-Claude
Je ne peux pas dire que l’on comprendra que la femme a été enlevée dans une soirée chic: elle ne porte pas un vêtement dont le chic ou un accessoire jurerait avec le décor. De même, je ne suis pas sûr que l’on comprenne l’histoire des « fers ». Car pour moi, les fers, dans un bateau, la personne est vraiment accroupie au sol. La ligature des mains étant accrochée à la carlingue, de préférence par terre. Tous les codes de la représentation de la mise aux fers dans la soute sont ainsi, Tintin en tête, et je ne me referais plus totalement maintenant… En revanche je trouve admirable ce Punctum des mouettes. Cet animal est à la fois doublé et coupé en deux. C’est une vraie leçon de choses : ornithologique et graphique. L’illustrateur aguerri seul peut se permettre cette fantaisie, véritable hommage à ce que permet son métier quand on sait prendre une liberté mesurée… On a là un petit jeu à la Escher, où ce magnifique pouvoir de la composition dont le Vasarely des années 30 s’est servi pour représenter une vue aérienne d’un troupeau d’oies courant vers une distribution de grains ! Il y a de plus une continuité du vol opposée au sens classique, (souvent d’ailleurs chez vous les mouettes vont à contre-courant de l’action et de sa lecture, se mettent face au vent contraire, vivent une vie autre) et qui est brisée en deux. Deux cases finalement facétieuses pour qui aime lire de bonnes images… Ce qui nous manque à lire en détail sur le volatile de droite, vous nous le redonnez à saisir en fragment pédagogique sur celui de gauche ! »...
- C'est quoi, le PUNCTUM ?
- Heu... Je fais des recherches.

- Encore une histoire empoisonnante dans un « Hitchcock démasque ». Ça s'appelait ?
- « Une histoire empoisonnante ».
- On ne pouvait mieux l'illustrer!

« L’homme à l’orange »


- Revenons à vos histoires empoisonnantes. Ce dessin est étroitement mêlé au court-métrage de Jean-François Jung: « Le Monde de Jean-Claude Claeys ».
- Pour cet « L’homme à l’orange », l’idée est de représenter une de mes petites phobies : la contamination de produits alimentaires par un garçon mal intentionné ! Il servit pour la première scène tournée. Imaginez : Les éclairages sont en place, le metteur en scène me pose comme une potiche devant un chevalet (un gros truc patiné par le temps et qu’il a déniché chez les antiquaires de l’Isle sur la Sorgue) et sur lequel est placé le dessin. Enfin, il me met une orange dans le creux de la main, me demandant de bien la regarder. « Aie ! Je vais avoir l’air malin !», que je me suis dis in petto ! Je commence à ruisseler, à la fois de terreur et d’appréhension! « Allez, ça tourne ! » qu’il dit alors.
- Quel est le sens de cette illustration ?
- Heu… (Silence) C'est-à-dire que… (Silence) Enfin, vous comprenez… - J’ai commencé avec une voix qui ressemblait au dernier soupire d’un canard à l’agonie !...
- Ou bien au bruit d'une fuite de gaz...
- Jung me raconta longtemps le genre de miracle que ses ingénieurs du son avaient du accomplir pour rendre ma voix presque humaine!...

« Memento Mori »


- Oh, ça! Ce vieux type: quelle horreur!
- Il s’agit tout de même d’une espèce de Saint Jérôme dont vous parlez !
- C’est bien ce que je craignais ! Et dont la représentation appartient au thème plus général des « Vanités », tout comme les « Marie Madeleine »…
- Oh, oui! J’aime beaucoup les « Marie Madeleine repentantes », placées devant leurs miroirs, renonçant aux biens matériels et à tous leurs oripeaux…
- Calmez-vous ! Voulez-vous nous rappeler ce qu’était ce thème que, jadis, on appelait « Vanités ».
- Elles illustraient, de façon symbolique, le thème philosophique de l’inéluctabilité de la mort, de la futilité des plaisirs ou encore de la fragilité des biens terrestres. Elles dénonçaient également la relativité de la connaissance et la vanité du genre humain. Ces « Memento Mori » (« Souviens toi que tu vas mourir ») se dissimulaient derrière la représentation de crânes, de fleurs fanées, de fruits pourrissants, de verres vides, de chandelles consumées, de sabliers ou encore de luths ou de violons aux cordes rompues. Mais aussi de livres dont les pages retournaient à la poussière…
- Tout comme les lecteurs qui les tenaient ! Et vos ancêtres à Bruges, les Claesz, peignaient déjà des bouquets de fleurs déconfites et des corbeilles de fruits avariés sans qu’aucun client ne se plaigne jamais du manque de fraîcheur des produits ? Extraordinaire! Mais revenons à notre érudit fatigué, lequel tient le deuxième rôle dans votre fresque intitulée « Une Bibliothécaire Empoisonnante » ! Pour ce rôle, vous aviez mis à contribution votre ami…
- Le célèbre metteur en scène, voilà ! Un emploi qui lui allait comme un gant. Il a la tête si lourde de connaissances qu'il doit la tenir pour que son nez ne pique pas dans son ouvrage!

dimanche 16 octobre 2011

MOTTO


Cause directe de l'abus du MOTTO, placé un peu partout mais de préférence sans aucune raison, le nom de l'auteur fut porté sur la liste noire des illustrateurs à ne jamais faire appel, sauf si l’on souhaite voir ce genre de maxime « L’homme, né de la femme, qui a la vie courte mais des tourments à satiété, pareil à la fleur, éclôt puis se fane… » figurer sur la plus innocente des images. Telle cette page de garde qui devait être la représentation d’un honnête tueur à gage, besognant au plomb double zéro, recette éprouvée dont nul bénéficiaire n’est jamais revenu se plaindre !
- Je me souviens: lors d’une pause, je lui avais raconté cette anecdote narrant le tournoi qui opposa deux célèbres peintres athéniens: Zeuxis et Parrhasios. Il s'agissait pour les deux protagonistes de représenter, avec le plus de véracité possible, une corbeille de fruits. Zeuxis peignit des raisins avec un tel réalisme qu'une escadrille de moineaux abusés piqua sur l'estrade de l'artiste pour se goinfrer des grappes juteuses.
Parrhasios peignit à son tour une corbeille de raisins. Mais un rideau peint cachait une partie de l'œuvre. Et ce rideau avait été représenté avec tant de bonheur que Zeuxis demanda qu'on l'ôtât pour contempler le tableau tout entier ! Fair-play après qu'il eût réalisé sa bourde, Zeuxis reconnut le triomphe de Parrhasios qui ne se contentait pas d'abuser de malheureux piafs, lui...
Zeuxis peignit par la suite un jeune homme portant une corbeille de raisins et les étourneaux, une fois encore abusés, se ruèrent sur les grains de raisins ce qui désespéra Zeuxis : « Sans doute ai-je mieux peint les fruits que le jeune homme car si je l'avais rendu à la perfection, sa présence aurait dû faire peur à ces damnés volatiles !
C'est, traitant du « trompe l'œil », l'anecdote la plus populaire. Presque autant que celle du jeune et facétieux Giotto qui, profitant de l'absence de son maître Cimabue, peignit une mouche sur l'œuvre en cours. Lorsqu'il eut bu son Expresso, Cimabue revint dans l'atelier et aperçut une mouche sacrilège posée sur sa fresque. Et il tenta de la chasser...

vendredi 14 octobre 2011

SALOMÉ


Et puisqu'il est question de Salomé.
- En dépit de la légende, jamais SALOMÉ ne fut écrit pour Sarah Bernhardt. Non ! Par contre, le drame en un acte d’Oscar Wilde, fut bien écrit en français et c’est Pierre Loüys (alors très copain avec Oscar) qui finalisa le manuscrit, plus ou moins enrichi anglicismes qui donnent, à ce texte, tout son charme.
- Cela n’intéresse personne !
- Alors passons ! Après qu’elle eut dansé pour le Tétrarque à bout de souffle, SALOMÉ demande son dû :
- Donne-moi la tête de Iokanaan.
- Non, non ! Vous ne voulez pas cela. Vous me dites cela seulement pour me faire de la peine, parce que je vous ai regardée pendant toute la soirée. Mais je ne le ferais plus. Il ne faut regarder ni les choses ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs. Car les miroirs ne vous montrent que des masques…
Cependant, il fait exécuter le Baptiste dont la tête est livrée, sur un plateau d’argent, à la Princesse de Judée qui déclame: « Ta voix était un encensoir qui répandait d’étranges parfums et, quand je te regardais, j’entendais une musique étrange ». Magnifique !
- Mais plus personne ne parle ainsi et votre projet fut écarté par tous les éditeurs… Vous vous êtes servi de certains passages pour illustrer vos « Lieux du Mystère » et, dans cette réédition, vous accommodez les vestiges de ce travail inachevé. Mais cette planche, reproduite ici, fut bien conçue pour la publicité du cabaret parisien: quel usage lui destinez-vous ?
- Ce sera la page de titre. Le titre se positionnerait sur la page de gauche. Mais je n’ai pas encore trouvé un pavé typographique qui me satisfasse. Avec, peut-être, un MOTTO...

jeudi 13 octobre 2011

L'étudiante de Oxford


- Hon ! Hon ! - Fit-elle, dubitative - Je me demande…
- Et que vous demandez-vous ?
- Si vous réaliserez bien cette histoire d'assassin modèle, pardi !
- Et pourquoi pas ?
- Parce que vous avez pris cette mauvaise habitude qui consiste à ne travailler que sur des projets qui ne verront jamais le jour. Ainsi, après cette histoire de courtisane qui sait, par instinct, calculer tout ce qu’une femme peut accomplir comme méfaits sans se compromettre elle-même, vous avez renoncé à une « Aphrodite » et sur laquelle vous aviez travaillé, une année toute entière, avec Stéphanie. Rien en comparaison des trois années que Gaël vous consacra pour une « Salomé », elle aussi restée dans vos cartons.
- L’Antique ne fait plus recette, c’était une erreur de jugement de ma part.

« BURBERRY »


Dans l'univers tombé en désuétude de notre auteur existe un terme lui aussi révolu : « PETIT MAITRE ». « L’expression - Dit-on - s’applique, à tort et à raison, à pléthore d’artistes actifs vers la fin du XIXe siècle, pour lesquels l’histoire de l’art n’a pas encore trouvé d’étiquette ou inventé de case... » Pour lui, c'est de la fin du XXe siècle dont il s'agit!
- Vous êtes décidément un type assez limité ! Car avez-vous remarqué les gouttes d’eau qui, sur ce polaroid-souvenir qui précède, ruissellent sur la gorge de votre modèle?
- Naturellement !
- Et pourquoi n’en avez-vous pas représenté sur celle de Miss Plunkett ?
- Dame! Elles sont très difficiles à dessiner.
- Tout comme les larmes qui jaillissent spontanément des yeux quand on est triste?
- Pareil !
- De même, votre pinceau, trempé dans le noir de l'encre de Chine, se fige devant les longues mèches blondes qui ondulent languissamment ?
- Je le crains.
- C'est ce pauvre Léonard qu'aurait été déçu par le peu d’effet de ses écrits sur votre technique défaillante!... Mais vous restez le spécialiste incontesté du Trench-coat ! Comme, par exemple, ce type qui prend une sacrée rincée devant le « FLAT IRON BUILDING ». C’était pour quoi, au fait ?
- Un Fredric Brown, « Qui a tué Grand Maman ? » Le metteur en scène Jean-François Jung voulut, dans « Le Monde de Jean-Claude Claeys », reconstituer cette scène. Le malheureux modèle passa une partie de la nuit sous le robinet d'arrosage du jardin, tandis que la caméra panotait complaisamment sur les filets d'eaux qui ruisselaient sur le « BURBERRY » détrempé!
- Quel leçon! C’est da Vinci qui aurait été content de voir autant de méticulosité à bien représenter la pluie ! Notons que, de votre côté, tu contournes la difficulté par différents artifices…
- Ah, non ! Ne dévoilez pas mes secrets de cuisine.

- Vous vous souvenez de ce qu’écrivait Léonard ?
- Non, pas précisément : rappellez-moi.
- « Mais la pluie qui descend de ces nuages est de la même couleur que ces nuages et, à force d'être poussée et frappée par le cours des vents, cette pluie devient, dans l'air, un voile fin de liquide… »
- « Un fin voile de la même couleur que les nuages » : allez représenter ça !
- C’est justement là qu’intervient l’astuce : « Puisque le mouvement du vent ne peut être vu dans l'air, il faut seulement représenter son effet sur les choses emportées par lui… ». Ainsi, le lecteur imagine la pluie parce le personnage s’abrite sous un parapluie. Tout comme peut être dessiné l’effet des gouttes de pluie dans les flaques d’eau qui se trouvent sur ce quai… C’est ainsi que, sans le savoir, tu as, par différents artifices, contourné la difficulté…
- Comme monsieur Jourdain ignorait qu’il parlait en prose ?
- Bien qu’en ce qui vous concerne ce serait plutôt George Bernard Shaw qu’il faudrait citer! Et parler d’une version inédite de son Pygmalion où ce serait Eliza Dolittle qui donnerait la leçon à Henry Higgins !... Hum… Hier, vous gémissiez parce que jamais la Maison Burberry ne s’est jamais montrée reconnaissante de toutes les représentations que vous avez faites de ses imperméables (Une vertu, l'imperméabilité, assez illusoire!). Mais avouez que c’est un investissement que vous avez rentabilisé car le voilà encore en scène, ce trench-coat qui a fait votre réputation!
- En plus, c'est le vrai, avec toutes les boucles et les pattes pour fixer une gourde ou des grenades!
- Des accessoires indispensables!

- « La Nuit Américaine » est une autre convention consentie entre le créateur, qu’il soit cinéaste ou metteur en scène d’images fixes, et le spectateur. C’est aujourd’hui un procédé tombé en désuétude.
- Car je fais aussi de « La Nuit Américaine » sans le savoir ?
- Il s’agit d’un artifice qui consiste à donner au plein jour l’impression de la nuit, soit en sous-exposant la pellicule, soit en utilisant des filtres. Ton truc préféré, je n’ose dire ta posture systématique, a toujours été de passé un aplat d’encre de chine noire sur le ciel, avec un raccord sur les toits qui est directement inspiré par les clichés de Jean-Loup Sieff…
- Qui ?
- Un photographe très connu, sauf de toi-même ! En parlant de « Nuit Américaine », je me souviens du film de François Truffaut. La Script-Girl, interprétée par Nathalie Bayle, dit : « Moi, pour un film, je pourrais quitter un type. Mais, pour un type, je ne pourrais jamais quitter un film ! » Commentant ainsi l’attitude contraire de la stagiaire (Dany) qui plante le tournage pour suivre un cascadeur anglais.
- Un cascadeur anglais, quelle horreur !
- Pour bien faire comprendre qu’il s’agit de la nuit, t'ajoutes souvent une représentation de l’astre lunaire. Il y a assez peu de dessinateurs qui ont autant chanté « Moonlight Serenade » !

Nuits Américaines


- Tu as dessiné beaucoup de « Nuits Américaines » mais, sans doute par atavisme, tu as aussi tenté quelques « Nuits Belges » !
- Tu m’expliques ?
- Sur ce dessin, c’est évidemment le Maître bruxellois, Edgar P. Jacobs, qui t’a inspiré la manière de représenter ces réverbères, hommage implicite à celui de la couverture de « La Marque Jaune » !

Hyères


- Comment justifiez-vous cette lumière qui, en plein jour, vient à la fois de la droite et de la gauche ? Comme si, justement, la ville d’Hyères était éclairée par deux soleils ?

FILM NOIR


- Naturellement - Reprit-elle - Ce problème des éclairages de STUDIO ne se posait plus dès que vous vous retrouviez dans votre élément : celui d'un espace confiné !
- Confiné et théâtral, que je peux éclairer à ma convenance, maîtrisant ainsi tous les aspects de ma petite mise en scène.
Ici un dessin très « Noir et Blanc », comme je ne sais plus les faire, me faisait remarquer un ami, il y a quelques mois…
- Parce que vous, mon pauvre, vous avez des amis ?
- Heu, non… Des amis, j’ai pas ça en stock… Disons alors une relation intellectuelle et artistique. Il soulignait combien mes dessins de cette époque (nous sommes au milieu des années quatre vingt) semblaient être le travail d’un chef opérateur de FILM NOIR tendance Warner ou RKO, avec des contrastes violents, presque inhumains. Alors qu’aujourd’hui, je faisais essentiellement dans le fondu, la demi-teinte, abandonnant les noirs et les blancs purs, ma signature, pour une palette de gris qui affaiblissait mes images.
- J’imagine que votre communion intellectuelle en a souffert ?
- Si peu.

- La vie d’artiste n’est pas vraiment ce qu’imagine le public - Constata le Fantôme des Années Anciennes - Vous trouvez le succès avec un certain style et bientôt on vous reproche la facilité qui consiste à labourer dans cet heureux sillon. Vous changez de genre et l’on vous dit que c’était mieux avant. Et vice-versa de telle sorte que vous ne savez plus où vous en êtes !
- Complétement paumé, voilà !
- Tout comme ce personnage à qui vous prêtez encore vos airs de panda neurasthénique. J’espère que vous ne finirez pas ainsi car il n’y a qu’au cinéma qu’il existe des maisons de retraite pour les artistes nécessiteux... Au fait: est-ce le Soleil ou bien la Lune que vous avez voulu représenter ?

mercredi 12 octobre 2011

Une histoire empoisonnante


Dans un épisode précédent, l’auteur confiait : « Je voulais abandonner le répertoire des Femmes Fatales ou des Affranchies pour représenter des jeunes femmes plus au goût du jour… »
- Le HIC était que les jeunes femmes imaginent qu’en tout homme sommeille un « Brignon ».
- Cela mérite une explication...
- Dans « Quai des Orfèvres », film réalisé en 1947 par Henri-Georges Clouzot, Charles Dullin interprète un vieil obsédé, producteur de son état, et amateur de photographies très spéciales qu’il fait sous-traiter par Dora, une professionnelle que tout ça dégoute mais, que voulez-vous, faut bien vivre ! Le vieux salopard amène une de ses jeunes protégées à une séance de poses.
- Dites, monsieur : j’enlève tout ?
- Non, ma chère petite ! Pas les chaussures, jamais les chaussures !
- Oui! Je me souviens maintenant de ses regards par en-dessous et de son ton cauteleux ! De telles interprétations sont naturellement remarquables mais elles inquiètent profondément toutes les jeunes femmes qui aimeraient bien poser mais redoutent de tomber sur un Brignon !
- Exactement ! Et c’est là que je voulais en venir: je ne me souviens plus comment j’étais entré en contact avec la jeune Carla mais ce qui est certain c’est qu’elle vint accompagnée par son amie : Romy. (Que cette dernière n’hésite pas à me reprendre si j’affabule) La scène qui suit se passe au premier étage de la FNAC, à l’époque où il y avait une sorte de salle de lecture. Trop de gens devaient y lire sans pour autant acheter car elle a été supprimée depuis. Romy, qui était la tête pensante, me posa toutes sortes de colles qui selon elle (elle m’avoua plus tard son plan ingénieux), ne pouvaient qu’amener un éventuel maniaque à tomber le masque: ce qui est certainement une erreur car j’imagine que ce sont toujours les plus charmants qui sont les plus dangereux !
- Bien sûr ! Les serials-killers sont assez retors pour ne pas se faire repérer tout de suite. Ou jamais. A moins qu’ils ne décident eux-même de se faire choper.
- De mon côté, j’ai dû passer avec succès l’examen de Romy puisque j’ai réalisé l’affiche du Troisième Festival du POLAR.
- La manifestation se passe bien à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, c'est bien cela ?
- Oui. Pourquoi donc ?
- Parce que vous êtes un escroc : les moines de celle-ci n'ont jamais distillé la moindre liqueur (ou alors clandestinement et pour leur consommation personnelle) et cette bouteille provient de la Grande Chartreuse, située dans l'Isère!

dimanche 9 octobre 2011


- Et encore vous ! Je me souviens que vous vous êtes toujours mis en scène. Tout d’abord une « silhouette » de détraqué, dans « Magnum Song » puis un premier rôle, celui d’un détective sans réussite, dans « Paris-Fripon ». En même temps, nous faisions ensemble la plupart des couvertures des la collection « NéO ».
- Précisons que la complaisance ou le narcissisme n’y sont pour rien. Délaissant le seizième, nous nous sommes retrouvés à Pernes les Fontaines, sans aucune connaissance et nous avons du vivre en totale autarcie artistique.
- Dans un état proche de la servitude en ce qui me concerne, enchainant avec stoïcisme les rôles de victimes ou de femmes légères.
- C’est vrai : je manquais un peu de maturité. Puis vous étiez allée aux Beaux-Arts d’Avignon pour me trouver des modèles.
- Que n’aurais-je pas fait pour vous ? Je me demande souvent comment, à cette époque, vous avez réalisé tant de dessins, à l’arrache dirait-on aujourd’hui. Une séance de pose, sans aucune préparation, ni déguisements ou accessoires et vous aviez de quoi réaliser deux ou trois planches. Aujourd’hui, devenu perfectionniste jusqu’à la maniaquerie, vous avez refait entièrement toutes les poses avec Karyline car, au bout d’un an, vous avez convenu ensemble que vous étiez parvenu à une telle complicité que les premières séances ne valaient rien !
- Je reconnais que ça nuit gravement au rendement. Cependant, ce genre de perfectionnisme trouve parfois sa récompense : ainsi la dernière affiche, celle de Villeneuve lez Avignon, a déclenché de véritables émeutes. Étant arrivé à bout du tirage limité en moins d’une heure, puis de l’affiche tout court, les déçus et les mécontents se sont abattus dès dix-huit heures sur la Chartreuse, semblables à une nuée de corbeaux dans un champ de blé qui vient d’être moissonné. De partout, on entendait les affiches et les déclinaisons diverses que l’on arrachait des murs ou des panneaux. J’ai même surpris un type qui ouvrait mon carton à dessins pour y chouraver une reproduction !
- Une véritable consécration, quoi !... Ici, quelle est la situation ?
- Aucune, je le crains. Je voulais quitter le registre des Femmes Fatales ou des Affranchies pour représenter des jeunes femmes plus au goût du jour…

- Je me souviens de Privas…
- Brrrr ! La ville est dominée par un escarpement rocheux au sommet duquel se trouve un asile pour aliénés.
- A en juger par le côté forteresse de l’établissement et les barreaux qui en scellent les fenêtres, il doit être réservé aux émules de Hannibal Lecter !
- Enfin, vous dites tout cela de mémoire et, l’imagination palliant à la difficulté à bien tout vous souvenir, la vérité est peut-être toute autre ! Rappelons que le film, « Last Man Standing », est une adaptation, dans les années trente et parmi les bootleggers, du film « Le Garde du corps » (Yojimbo) de Akira Kurosawa...
- Un FLOP pour Walter Hill. Moi, j'aime beaucoup.
- Bruce Willis est une armée a lui tout seul avec ses deux Colt 45!

« A GUN FOR HIRE »


Après plusieurs mois passés à porter la casquette de « Commissaire d’Exposition » et dont le principal intérêt est de rencontrer d’autres personnes du milieu (celui de l’illustration et de la Bande Dessinée) ou de collaborer avec tous les corps de métiers de l'Impression, l’Auteur est retourné dans l’ombre de son « STUDIO ». Ce qui est un bien grand mot pour les deux chambrettes qui en tiennent lieu et dans lesquelles il se faufile de travers tant elles sont remplies d’étagères de livres et de couleurs, de tréteaux et, aujourd’hui, d’ordinateurs. Dans une boite en carton, il pose la casquette précédente et reprend celle de dessinateur, sans qu’il puisse vraiment dire s’il s’agit d’une malédiction ou d’une bénédiction. Se retrouver seul, il veut dire !
Il passe une première journée à regarder toutes les images qu’il a réalisées, au cours de ces trois dernières années, avec Karin.
« Ce coup-ci - Qu’il pense avec conviction - Je vais être fort et je repousserai, avec diplomatie mais fermement, toutes les propositions qui risquent de se dresser entre moi et la réalisation de « Baby Browning »… » Hélas…
- Ooooh ! Vous voilà donc de retour ? Je m’ennuyais un peu de vous, je l’avoue - Dit le « Fantôme des Années Anciennes » - Et, justement, je regardais dans vos cartons. N’était-ce pas pour l’Abécédaire de Sue Grafton. « A » comme Alibi, et ainsi de suite…
- Jamais je n'ai dépassé la lettre "H". Je crois que la photographie m'a ensuite remplacé.
- Ce « C »… Comme calme-toi, mon chéri, est une invention de votre part.
- Oui. En fait, c’était « C » comme Cadavre, le vrai titre.
- Brrrr ! Une de vos rares modèles brunes. Quelqu’un, dans les Salles de la Boulangerie et lors d’une visite guidée (par vous-même, c’est un peu un abus de langage), vous a fait remarquer que vos modèles, généralement blondes, avaient toutes quelque chose en commun.
- Ah ?...
- Ce dessin n’est-il pas une variation autour de cette célèbre photo d’Allan Ladd et de Veronika Lake dans « A GUN FOR HIRE » ?
- Absolument.

jeudi 6 octobre 2011

Une strip-teaseuse en cavale.


- Dis-moi, Claeys - Qu'elle lui dit un jour - Tu écris, et je fais allusion à cette célèbre affiche réalisée pour le festival de Villeneuve lez Avignon, que tu es payé au nombre de tuiles que tu représentes. Et moi-même, pourrais-je être rémunérée au nombre de centimètres carrés de mon anatomie que tu révèle à chaque représentation que tu fais de moi?

mercredi 5 octobre 2011

« Shanghai Express »


- « Shanghai Express » était une revue qui ne parlait ni de Marlene Dietrich, ni de Joseph von Sternberg !
- C’est une cruelle plaisanterie que vous avez déjà faite ! Mais ce titre si peu évocateur a du troubler le public qui ne réussit pas à établir un lien avec le sujet qui nous préoccupe : le Roman Noir. Est-ce cela qui aurait signifié la rapide condamnation de ce courageux magazine ?
- Qui sait ? Avouons que c’est un genre assez peu prisé par l’élite. Ainsi j’écoutais, pas plus tard qu’hier, ce puissant intellectuel qu’est Jérôme Clément, interviewé pour : « Le choix d'ARTE », son dernier livre. D’un coup, il révèle : « Beaucoup de gens disent qu’ils lisent Proust mais ils ne se plongent, en fait, que dans des POLARS ! »
- Il a dit cela ?
- Je vous assure et ça m’a flanqué un coup ! Il a ensuite établi un aventureux amalgame avec Guy Lux (Qui se souvient de lui ?) et Koh-Lanta (Jamais vu mais ce ne doit pas être un compliment !) Tout cela pour justifier le fait que ARTE (chaine fort honorable qui a même diffusé un trois minutes sur moi et en PRIME-TIME) ne soit pas vue par plus de deux pour cent des téléspectateurs.
- A cause, peut-être, de reportages réalisés sur les gens de votre espèce ?
- Ce serait, à l'entendre, paradoxal! Mais revenons à « Shanghai Express »: pour cette commande, il s’agissait d’illustrer un article du Code Pénal… Attendez que je retrouve… Voilà ! Article 312-1: L’EXTORSION ! La jeune femme écrit sur la feuille qui lui tiendra lieu de testament : « C’est de mon plein gré que je cède tous mes biens à mon époux bien-aimé… »
- Très amusant ! Ce modèle rend fort bien : avez-vous fait d’autres dessins avec elle ?
- Non, en dehors de la couverture de cette même revue. La séance s’était très bien passée. Pourquoi n'ai-je jamais retravaillé avec elle? De cela, non plus, je ne me souviens plus très bien... C'est idiot car la modèle devenait craintive et cela a compliqué mon travail... Heureusement, Karyline est entrée dans ma vie artistique, juste avant l'impasse!