vendredi 23 décembre 2011


- Je me souviens de ce passage, dans les entretiens entre Alfred Hitchcock et François Truffaut, et qui traite des clichés de FILM NOIR...
F. T. Je reviens à la scène de l’avion dans le désert. L’aspect séduisant de cette scène réside dans sa gratuité même. C’est une scène vidée de toute vraisemblance et de toute signification; le cinéma, pratiqué de cette façon, devient vraiment un art abstrait, comme la musique, Et cette gratuité que l’on vous reproche souvent constitue précisément l’intérêt et la force de la scène. C’est très bien indiqué par le dialogue quand le paysan, avant de monter dans l’autocar, dit à Cary Grant, en parlant de l’avion qui commence à évoluer au loin:
«Tiens Voilà un avion qui sulfate et pourtant il n’y a rien à sulfater...»
L’avion ne sulfate rien et on ne devrait jamais vous reprocher la gratuité dans vos films, car vous avez la religion de la gratuité, le goût de la fantaisie fondée sur l’absurde.
A. H. Le fait est que, ce goût de l’absurde, je le pratique tout à fait religieusement.
F. T. Une idée comme celle de l’avion dans le désert ne peut pas germer dans la tête d’un scénariste car elle ne fait pas avancer l’action, c’est une idée de metteur en scène.
A. H. Voici comment l’idée est venue. J’ai voulu réagir contre un vieux cliché: l’homme qui s’est rendu dans un endroit où probablement il va être tué. Maintenant, qu’est-ce qui se pratique habituellement? Une NUIT NOIRE à un carrefour étroit de la ville. La victime attend, debout dans le halo d’un réverbère. Le pavé est encore mouillé par une pluie récente. Un gros plan d’un CHAT NOIR courant furtivement le long d’un mur… »
- Qu'est-ce qu'il a contre les chats noirs, celui-là? - S’exclama la chatte Noire, sortant un instant d’une somnolence boudeuse.
- « Un plan – Continuais-je en faisant celui qui n’a rien entendu - d’une fenêtre avec, à la dérobée, le visage de quelqu’un tirant le rideau pour regarder dehors. L’approche lente d’une limousine noire, etc. Je me suis demandé: quel serait le contraire de cette scène? Une plaine déserte, en plein soleil, ni musique, ni chat noir, ni visage mystérieux derrière les fenêtres!... »
- Vous, en tous cas, vous n’en aurez raté aucun, de « clichés » - Attaqua à son tour le Fantôme des Années Anciennes - Vous êtes même une sorte de collectionneur. Ainsi quand votre détective ne déambule pas parmi les « immeubles décrépis, les poubelles, les machines abandonnées ou les usines désaffectées » (le tout enrobé d’une couche de « SMOG » ou saupoudré d’un crachin tenace!), il hante les boîtes de nuit où se produit le genre d’artiste dont, tout au long de votre carrière, vous avez célébré les performances.
- J’ai toujours été sensible aux arts chorégraphiques.

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